février 2001
"Laïcité d'accord!"
La maison des associations,
1A, Place des Orphelins - 67000 Strasbourg

Quizz
Laïcité en Alsace-Moselle
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un jeu ? la laïcité ?

Lorsque nous avons créé l'ébauche de l'association "Laïcité d'accord !", en juin 2000, nous étions un petit groupe, de sensibilité laïque, que l'affaire d'Hagondange, l'affaire du tableau voilé du Tribunal de Metz, et la création d'un CAPES confessionnel de religion avaient indignés : ces événements nous paraissaient inacceptables, et nous (re)découvrions l'état rétrograde de notre région en matière de laïcité ; un article de presse, dans les Dernières Nouvelles d'Alsace du 23 mai 2000 (1), nous avait donné quelques clés pour déchiffrer la situation... et, il faut bien l'avouer, depuis, nous n'avons cessé d'aller de surprise en surprise ! nous avons découvert des textes, ou l'absence de textes, mis à jour des contradictions, des contrevérités couramment admises, nous avons buté sur des pratiques étonnantes, sur des murs de silence... bref, nous avons beaucoup appris sur notre région!

Ce chemin, notre chemin, nous voudrions vous le faire partager - et comme une énumération de textes juridiques commentés aurait été fastidieuse, nous avons pris le parti d'imiter les magazines dans leurs éditions de l'été, et nous vous proposons un grand quiz d'hiver sur le thème : "connaissez-vous la laïcité dans votre région ?".

 


QUIZ

 


 

Le défi de lalaïcité en Alsace-Moselle

 

La situation juridique alsacienne-mosellane est le fruit de l'histoire mouvementée de la région, et en particulier de son annexion à l'Allemagne du IIeme Reich de 1871 à 1918. Les lois promulguées en France à cette période n'ont pas été appliquées après 1918, alors que certaines lois allemandes de l'époque ont été conservées ; c'est ainsi que les lois de Jules Ferry (école obligatoire, gratuite et laïque) n'ont pas été introduites ici, de même que les lois françaises de séparation des Eglise et de l'Etat (1905).

De ces tribulations historiques, il résulte :

- que le Concordat de 1801 n'a pas été dénoncé en Alsace-Moselle - et qu'il y est toujours en vigueur (existence de cultes "reconnus"), ce qui n'est pas sans poser problème, au regard de la Constitution de la République - qui dans sa version actuelle (1958), article 1er, proclame la laïcité comme l'un de ses 3 principes de base& Ou encore qui fait que les évêques (Metz et Strasbourg) sont encore nommés par le Président de la République&
Ou encore qui fait que les contribuables français, qu'ils soient croyants ou non, ou d'une autre confession, rétribuent les prêtres catholiques, les pasteurs, les rabbins de la région &

- qu'en matière légale et juridique nous sommes dans une situation hybride. Le droit local est un panachage de dispositions françaises d'avant le 10 mai 1871, de lois et règlements de la période du IIeme Reich, et de la législation française post-1918.

La législation allemande ayant été dans certains domaines comme les assurances sociales, par exemple, plus favorable aux habitants de la région, il n'était pas anormal qu'ils en aient conservé le bénéfice lors du retour de l'Alsace-Moselle à la France en 1918. Plus contestable fut la non introduction des lois françaises indissociables de la Constitution (laïcité, séparation des Eglises et de l'Etat) - on peut déplorer à ce sujet le manque de courage politique des gouvernements qui se sont succédés depuis&

Tout cela constitue le Droit local. Jusque là, tout a été codifié par la Commission d'harmonisation du Droit général et du Droit alsacien-mosellan - mise en place à cet effet - tout& , sauf 2 domaines : les cultes, et le statut scolaire -

Le statut scolaire local est un aspect du droit local - Contrairement à ce qui est souvent "admis", il n'a pas son origine dans le Concordat - qui est un traité international ne s'occupant nullement des questions d'enseignement. Autre assertion fausse faisant du statut scolaire local une partie indéfectible du droit local, posant même comme une identité entre le statut scolaire local et LE droit local.

Le statut scolaire local est un fatras de textes hétéroclites, de nature et de niveaux différents - ce n'est vraisemblablement pas un hasard s'il n'a pas été repris et codifié à ce jour. Il est basé sur la loi Falloux (1850), pour l'enseignement primaire, sur des ordonnances allemandes de 1871, 1873, 1883 et 1887, et sur des textes épars d'après 1918.

Le Rectorat de Strasbourg a été jusque-là incapable (ou n'a pas jugé bon ?) de répondre à nos questions portant sur l'obligation des cours confessionnels de religion dans le secondaire : nous demandions tout simplement de connaître les textes sur lesquels il se fondait pour la mise en Suvre de cet enseignement& Il ne nous a pas davantage transmis des documents dont nous connaissons pourtant l'existence (rapport sur l'enseignement religieux dans l'enseignement public dans l'académie de Strasbourg, ou documents sur l'ECR (4), par exemple), ni le budget correspondant à l'enseignement confessionnel dans les établissements publics& Pourquoi une telle rétention d'information ?

Quant à l'Institut du Droit Local, il nous a communiqué des textes - qui sont différents de ceux dont les références sont citées dans le "Guide du droit local" (10) & Et que dire du texte mis à notre disposition sur la place de la religion dans l'enseignement qui date du 18 avril 1871, promulgué pendant la conquête allemande, 3 semaines avant l'annexion ?&

Pourquoi cette information du public, des citoyens que nous sommes, à géométrie variable!

Dans ce domaine l'on assiste à ce qu'il convient d'appeler une véritable désinformation ! la confusion est entretenue, l'opacité est la règle - et ce pour une raison essentielle : l'Alsace-Moselle est dans une situation de non-droit, dans laquelle la pratique a fini par se substituer à des lois écrites lorsqu'elles existent, ou par suppléer leur absence : nous sommes dans une situation de droit coutumier !

Mais une raison plus profonde est l'inadéquation entre la réalité et le pouvoir qu'entendent conserver dans la société les autorités religieuses : plus la fréquentation des cours confessionnels de religion baisse, plus l'influence réelle des religions "officielles" décroît , plus l'on assiste à une tentative d'institutionnalisation, souvent détournée : organisation de versions "light" de cet enseignement de religion (animations autour de thèmes tels que les droits de l'homme (13), la solidarité, ECR (4)&), mise en place d'un CAPES confessionnel de religion (12)&

Et dans le même temps l'on assiste à une démission de l'Etat, de ses représentants régionaux, et des politiques qui entérinent les souhaits des autorités religieuses (11) !

Il faut que cesse ce jeu indigne de la République !

Rappelons nos positions : nous ne sommes pas des extrémistes anti-religieux, mais des citoyens soucieux de ne pas laisser confondre les genres : chacun est libre de croire ou non, de pratiquer ou non une religion, de transmettre à ses enfants des valeurs religieuses ou non - mais privilégier telle croyance dans les institutions publiques, organiser officiellement un prosélytisme confessionnel dans l'Ecole, c'est le non-respect de la liberté de conscience et du principe d'égalité des citoyens, c'est le début de la discrimination et de l'exclusion, c'est une intrusion inacceptable dans la vie publique : c'est un archaïsme malsain qui n'a plus de raison d'être au début du XXIe siècle !

Quant à l'identité régionale, elle a tout à gagner à se séparer de ces archaïsmes: les particularismes valables sont suffisamment forts pour ne pas se recroqueviller dans un conservatisme frileux, un communautarisme rétrograde, un ethnicisme dangereux ! &Se référer à des valeurs universelles sans renier sa singularité, c'est possible : la laïcité en est l'instrument.

 

Pour ce qui est du questionnaire :

Si vous avez coché toutes les bonnes réponses (ce qui n'est pas nécessairement notre cas, vous l'aurez compris) votre présence à nos côtés s'impose&

Si la plupart des questions vous a laissé perplexe, et que la conclusion vous a interpellé - continuons la réflexion et l'action ensemble ! plus nous serons nombreux&

Roland Couderc,
secrétaire de "Laïcité d'accord !" (
14)
La maison des associations,
1A, Place des Orphelins - 67000 Strasbourg

 


Notes :

  1. DNA , 23 mai 2000 : "Cours de religion : une option facultative", par R. Pfefferkorn et D. Tzwangue.
  2. Concordat (1801) : Loi du 18 Germinal an X, relative à l'organisation des cultes (Convention entre le Gouvernement français, Bonaparte, Premier Consul, et le Pape, Pie VII). Le serment des prêtres (art. VI) fut supprimé en 1818.
  3. CAPES "réservé" d'enseignement confessionnel de religion qui a bien eu lieu en juillet 2000&
  4. Eveil Culturel et Religieux, enseignement mis en place dans certains lycées, effectué par des aumoniers catholiques et protestants, inscrit à l'emploi du temps, obligatoire de fait, sans dispense possible. Cet enseignement n'est pas véritablement "light" : loin du catéchisme traditionnel, il vise à transmettre les valeurs chrétiennes dans tous les domaines touchant à la pensée et comportement humains (psychologie, philosophie, sociologie, anthropologie...).
  5. Livret d'accueil 2000-01, Académie de Strasbourg, p. 14.
  6. Le républicain Lorrain, 5 mars 2000 : "Le droit local en ligne de mire". Déclaration du secrétaire général de l'Institut du Droit Local.
  7. Institut du Droit Local alsacien-mosellan (IDL), 8, rue des Ecrivains BP 49, 67061 Strasbourg Cedex ; créé en 1985 sous forme d'association dans laquelle l'Etat est représenté, a pour tâche de promouvoir une connaissance des diverses composantes du droit local ainsi que des problèmes juridiques que soulève son harmonisation avec le droit général français.
  8. Quelques chiffres :
    Dans le Primaire public : environ 80% d'élèves suivent les cours de religion - effectifs stables.
    En collèges publics, élèves suivant les cours confessionnels de religion - en 1977 : 55% - en 1997 : 40% - en 2000 : 30%
    Dans les lycées publics - en 1997 : 10 % - en 2000 : moins de 4%.
  9. Les programmes de disciplines telles l'Histoire incluent l'étude des moments clés de nos civilisations - dans lesquels les religions ont joué un rôle important - Que l'on se réfère par exemple au nouveau programme de la classe de seconde : les débuts du christianisme, de l'islam, l'humanisme et la Réforme... MAIS ces questions sont abordées sous un angle historique, et plus largement culturel, et ne visent pas à transmettre une foi, une conviction religieuse. L'Ecole ne nie pas le fait culturel religieux, mais n'a pas à tolérer de prosélytisme.
  10. Guide du Droit local, sous la direction de Jean-Luc Vallens, secrétaire de l'Institut du Droit Local, éd. Economica, 1997.
  11. Prenons l'exemple des dispenses aux cours confessionnels de religion : les directives du Rectorat en direction des chefs d'établissements sont les suivantes : 1°/ pas de publicité 2°/ la demande ou son absence est valable pour un cycle entier - de la 6° à la 3° par ex. - alors que les textes ne prévoient nullement ces modalités !
  12. A ce sujet, le Ministre a bien dit qu'il s'agissait d'une erreur de rédaction, et qu'il ne s'agit pas d'un CAPES& mais à ce jour, aucun rectificatif dans le journal Officiel - peut-on tout dire et son contraire ?
  13. Droits que Mgr Freppel considérait en 1885 comme "impies et contraires à la religion". Il est vrai, nous n'en sommes plus là ! Mais il n'est pas inutile de rappeler certains revirements dont on finirait par ne plus avoir conscience...
  14. "Laïcité d'accord !", adhésion, cotisation annuelle : 100F -
    page internet hébergée sur Europe et Laïcité: http://europe-et-laicite.org/LaicitéDAccord.html

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