Mouvement "Europe & Laïcité"

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L'état de la laïcité:
1. Europe Occidentale: Lois, traités et pratiques (suite)

Dernière mise à jour: novembre 2000
    

Première partie
Autres chapitres de cette étude:
L'état de la laïcité: 1. Europe Occidentale, (suite).
L'état de la laïcité: 2. France.
L'état de la laïcité: 3. Europe Centrale et Orientale.
L'état de la laïcité: 4. Pays hors de l'Europe.


  

La Charte Européenne des Droits Fondamentaux de
l'Union Européenne

Encore une Charte en préparation! Empiler les Chartes, les Déclarations et les Conventions ne fait qu'affaiblir l'ensemble. Le mieux serait de s'en tenir à un texte, la Déclaration
Universelle des Droits de l'Homme
, qui pourrait être périodiquement révisée. Car sa rédaction est oeuvre humaine, donc sujette à améliorations. Refuser de le reconnaître correspond à lui attribuer le statut d'un texte sacré, notion que les laïques ne peuvent que récuser.

Le numéro 160 d'Europe et Laïcité (mars 2000) propose quelques modifications destinées à introduire un point de vue laïque dans cette nouvelle charte.

La négociation de ce type de texte, qui se fait toujours en commissions restreintes de prétendus experts, non élus, et donc non responsables devant les électeurs, est bien sûr la porte ouverte
à tous les lobbyings. Et l'église catholique a les moyens de jouer ce jeu, et d'avancer ses pions sous couvert "d'humanisme", c'est à dire sans référence explicite à ses dogmes. En ce qui concerne la négociation de cette charte, son action est dangereuse sur au moins trois plans:

* Sous prétexte de respect d'un "droit à la vie", elle cherche à rendre impossible des lois légalisant l'euthanasie et l'avortement volontaire.
* Le "droit de la famille" donne lieu à une définition de la famille destinée à récuser les PACS et formules semblables.
* Au titre de l'exercice de la liberté religieuse, il faudrait attribuer aux religions des droits incompatibles avec la laïcité de l'Etat aussi bien que de l'Ecole.
[Source : Europe et Laïcité, no 160]


Proposition de texte à insérer dans la future charte.

En tant que citoyens d'Europe attachés à l'éthique laïque, nous estimons nécessaire que dans un texte exprimant les valeurs fondamentales sur lesquelles s'élabore l'Union Européenne, soient précisées les idées suivantes :

"Compte tenu du fait que l'Union Européenne se donne pour objectifs de renforcer la protection des droits et des intérêts des ressortissants de ses Etats-membres par l'instauration d'une citoyenneté de l'Union (article B § 4 du traité de Maastricht) et de ce qu'elle respecte l'identité nationale des Etats-membres dont les systèmes sont fondés sur les principes démocratiques (article F 1),
la Charte Européenne des Droits fondamentaux doit se fonder sur une rigoureuse séparation du champ d'action des autorités de l'Union par rapport aux Eglises et aux communautés religieuses. L'action des institutions européennes s'exercera dans le cadre de la liberté de conscience et d'une stricte indépendance entre elles-mêmes et les organisations confessionnelles.
Cette proclamation permettra qu'une tolérance réciproque et mutuelle puisse s'établir dans les rapports humains entre individus, groupes et communautés, dans le strict respect de leurs droits légitimes, fondés sur l'unicité d'une législation européenne valable pour tous."

Nous considérons que la proclamation et le respect de ces principes sont indispensables pour permettre l'établissement d'une citoyenneté européenne harmonieuse, solidaire et paisible.

Si vous approuvez, ce texte vous pouvez l'envoyer avec votre signature au Parlement Européen aux adresss électroniques suivantes:
[email protected],
[email protected]
ou, par courrier postal à: PARLEMENT EUROPÉEN, attn: M. Pédro BACELAR de VASCONCELOS, Vice-Président de la Commission "Convention Européenne des Droits fondamentaux", 92 Montoyerstraat B- 1000 - BRUXELLES, Tél. +32 2 284 2111
ou encore au siège du Mouvement Europe et Laïcité.


Où en est la Charte? (Article paru dans Europe et Laïcité 162).


Essayons d'y voir clair, en nous tenant à l'essentiel.

Origines du projet :

Le Conseil européen de juin 1999 avait souhaité qu'une Convention constituée de membres du Parlement européen, des Parlements nationaux, et des Gouvernements des Etats-membres rédigent une Charte des droits fondamentaux "afin d'ancrer leur importance exceptionnelle et leur portée, de manière visible pour les citoyens de l'Union".

Le Parlement européen souhaitait au départ que cette Charte ait un caractère juridique contraignant (*) par le biais de son incorporation au Traité de l'Union Européenne. Par ailleurs, l'Union adhérerait à la Convention européenne des droits de l'Homme.
Parmi les intentions initiales des promoteurs de la Charte européenne, il est prévu que celle-ci soit amendable par les mêmes procédures que pour son élaboration.
Car, à notre avis, nous laïques européens avons de multiples raisons de réclamer des rectifications et ajouts importants.

LE CONTENU DE CE PROJET DE CHARTE N'EST PAS SATISFAISANT

Il a été obtenu que dans le préambule de la Charte, la formule:

"S'inspirant de son héritage culturel, humaniste et religieux, l'Union se fonde sur les principes indivisibles et universels de la dignité humaine`"
soit remplacé, sous la pression de la France, du Portugal et des actions concertées des organisations laïques européennes, par la formulation, moins inacceptable de:

"Consciente de son patrimoine spirituel et moral, l'Union se fonde`etc`"

La modification n'est pas en elle-même pleinement satisfaisante, loin s'en faut. Mais c'est le principe de l'édulcoration de la formulation dans un sens moins clérical qui est intéressant.
C'est la preuve qu'il est possible de contrer les prétentions des lobbies confessionnalistes de toutes origines et sensibilités qui s'agitent à Bruxelles et à Strasbourg.

En son état actuel, le projet de Charte nous déplaît fortement, non pas tellement pour ce qu'elle proclame, mais surtout en raison de ses ambiguïtés, et de tout ce qu'elle ne proclame pas :

- la priorité à la solidarité et non pas seulement aux finalités individualistes
- la légitimité des luttes sociales
- le refus des manipulations mentales
- la stricte séparation du domaine de la vie privée (croyances, pratiques religieuses, appartenances communautaires) et de la sphère publique au sein de laquelle les citoyens et les multiples formes de la vie civique sont préservés de toute domination confessionnelle, dogmatique ou religieuse.
- l'affirmation du droit de mourir dans la dignité,
- la défense, notamment, des droits de la femme et de son statut civique.
- La précision de l'identité des "protecteurs de la famille"
- Le droit d'accès pour les citoyens (étrangers ?) membres d'un pays de l'Union, à la Cour de Justice et au tribunal de grande instance (limitations exprimées sans justifications précisées)
- Le droit de pétition, pour les résidants étrangers, en directions d'autres destinataires que le seul Parlement européen.
- la garantie du respect des pratiques mutualistes et l'étendue de leur champ d'action
- la nature des "services d'intérêt général " auxquels les citoyens sont censés avoir droit au libre accès.
- Les domaines où s'exercera la préoccupation de défense environnementale ni le champ de protection des consommateurs
- l'explicite garantie au droit au logement et au revenu minimum d'existence
- l'objectif affirmé de "convergence dans le progrès"
- l'accès protégé et encouragé à la culture librement choisie.

Le contenu du projet de Charte européenne des droits fondamentaux, tel qu'il est actuellement élaboré constitue une grave régression pour les nations et les sociétés des états-membres dont l'évolution leur a garanti des avancées qu'on ne saurait admettre qu'elles soient édulcorées ou remises en cause.

Ainsi que le réclament de nombreuses organisations: " il faut intervenir auprès des groupes politiques du Parlement européen, auprès des élus nationaux, des ministères concernés, cela en liaison avec les innombrables organisations civiques militantes et progressistes, afin que soit profondément amendé ce texte, prévu en principe pour être ultérieurement intégré à une future constitution européenne."

Les dés ne sont pas jetés: outre que la Charte est prévue pour être modifiée en fonction des évolutions des opinions publiques européennes, le prochain combat civique européen à mener est celui de la future Constitution Européenne.

Concrètement ce sont donc les instances à la fois européennes et nationales qui doivent être saisies de démarches pressantes. L'indifférence ou la résignation à l'égard du devenir européen risque de coûter cher au niveau de nos idéaux.

La défense de la Laïcité, de l'esprit républicain, et des pratiques démocratiques exige que se produise un ressaisissement civique et idéologique de l'opinion publique européenne.


Extrait d'une note du Réseau Voltaire du 20.3.2000 (dépêche 00/0093, note 214, disponible sur son site Internet: http//www.reseauvoltaire.net)

[Nous reproduisons son analyse très pertinente.]

Le lobbying de la COMECE (Commission des épiscopats de la Communauté Européenne) en ce qui concerne la rédaction de la Charte des Droits Fondamentaux.

La proposition du Conseil européen d'élaborer une Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne fait actuellement l'objet de travaux préparatoires au Parlement européen.
Six commissions parlementaires différentes sont saisies. Dans ce contexte, la COMECE, organisme de lobbying de la conférence épiscopale européenne, a préparé diverses propositions d'amendements qu'elle entend faire reprendre par les parlementaires catholiques. Si diverses propositions font consensus (droit d'asile politique, droit à un accès équitable et approprié à des
soins de santé, droit de protection contre toute discrimination pour raison de santé ou particularités génétiques, droit des personnes handicapées, protection des personnes âgées, droit
des enfants dans le monde du travail), d'autres sont très conflictuelles.

(1) La COMECE souhaite que la Charte soit adoptée "au nom des peuples européens". Ce libellé implique que l'Europe est une fédération de peuples et non pas d'individus. Il permet de rétablir l'idée que l'individu n'a pas de droits par lui-même, mais au travers de son appartenance à une communauté naturelle: la patrie.

(2) La COMECE continue son offensive pour substituer l'expression "respect de la dignité humaine et des droits fondamentaux "à l'expression" respect des Droits de l'homme".
Il convient de remarquer que l'expression "respect des Droits de l'homme" est déjà un renoncement des républicains par rapport à " respect des Droits de l'homme et du citoyen".
En effet, les Droits de l'homme peuvent se limiter, dans la vision anglo-saxonne de la "bonne gouvernance", à la limitation du recours à la force par les gouvernants sans poser la question
de leur légitimité.
Les Droits de l'homme sont alors un standard international du niveau d'oppression acceptable dans un État, quel que soit son régime politique, de sorte qu'il ne provoque pas par ricochet des troubles chez ses voisins. Ainsi, c'est dans ce sens que l'Union européenne et l'OTAN ont justifié leur ingérence militaire en République fédérale de Yougoslavie: la répression disproportionnée au Kosovo était une atteinte au standard international des Droits de l'homme qui provoquait une instabilité dans l'ensemble des Balkans.
La notion de dignité humaine, quant à elle, est dépourvue de contenu juridique positif et ressortit à la pensée théologique. L'homme est digne parce qu'il est créé par Dieu à son image. La dignité humaine est le reflet de la sacralité de Dieu. De ce point de vue, les comportements contraires à la morale religieuse portent atteinte à la dignité humaine, même s'ils sont librement choisis. C'est pourquoi, selon le Magistère romain, la dignité humaine s'oppose à la liberté individuelle. Par exemple, les comportements sexuels sadomasochistes entre adultes consentants sont libres dans certains États au nom des Droits de l'homme et pénalisés dans d'autres au nom du respect de la dignité humaine.

(3) La COMECE substitue l'expression "égalité en droit" (au singulier) à celle d' "égalité en droits" (au pluriel). Les révolutionnaires français se divisaient pour savoir si l'Homme naît bon ou méchant, et si "l'état de nature" est un paradis ou une jungle cruelle.
Mais ils s'accordaient tous pour élaborer un contrat social qui fixe des règles législatives corrigeant les inégalités de naissance, de sorte que désormais "les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits".
Au contraire, la COMECE considère que l'égalité n'est pas le fruit de la Loi, mais qu'elle est une donnée transcendante. Les hommes sont égaux en tant que créatures de Dieu à son image. Il n'est plus question de rectifier les inégalités sociales.

(4) La COMECE entend établir un "droit à la vie".
L'Église catholique romaine est en effet l'héritière de la philosophie matérialiste vitaliste de
l'Antiquité. Pour elle, la vie est une valeur supérieure à la liberté. Si le droit à la vie est inclus dans les Droits de l'homme, alors l'avortement et le suicide, seul ou assisté, sont des crimes.
De même, si le droit à la vie est considéré au regard de la dignité humaine, alors la procréation ne
peut être que le fruit d'une fusion entre un ovule et un spermatozoïde, tandis que la fécondation in vitro d'un ovule par un autre ovule doit être interdite.

(5) La COMECE souhaite voir reconnaître des "droits de la famille" et non plus le "droit au respect de la vie familiale". Comme le préambule se référait aux peuples européens pour affirmer la subordination de l'individu à son appartenance à la patrie, les "droits de la famille"
impliquent que l'individu ne peut disposer de certains droits qu'autant qu'il appartient à une famille. On retrouve la rhétorique que Jean-Paul II a développée dans sa Charte des Droits de la famille. La famille devient "l'élément naturel et fondamental de la société".
La COMECE considère que le mariage doit ouvrir droit à des avantages particuliers qui ne doivent pas être reconnus aux autres modes de vie.
Prenant néanmoins acte de l'évolution des moeurs, elle ne souhaite pas que cette règle porte préjudice aux enfants illégitimes. Aussi entend-elle que les droits des enfants soient les mêmes quel que soit le statut juridique de leurs parents.

(6) La COMECE souhaite redéfinir la "liberté de religion". Si elle approuve l'article 9.1 de la Convention Européenne, elle récuse l'article 9.2 relatif à la pratique religieuse.
L'Église catholique refuse de se contenter de la liberté des croyances et de la liberté d'association, elle entend faire reconnaître juridiquement les actes qu'elle pose, notamment les sacrements. Cela implique par exemple la reconnaissance de son autorité en matière de mariage et d'annulation.

(7) La COMECE souhaite redéfinir le "droit à l'instruction".
L'école républicaine a pour fonction de former des citoyens en développant l'esprit critique et en émancipant les individus de leurs préjugés sociaux.
Selon l'Église catholique, l'école a pour vocation de former la liberté, la dignité et la solidarité. Les parents doivent donc pouvoir placer leurs enfants dans les écoles de leur choix, éventuellement selon des critères religieux, hors de tout contrôle public.

(8) La COMECE souhaite faire reconnaître un "droit au repos et aux loisirs". Ce droit ne se réduirait pas à la limitation de la durée de travail et aux congés payés. "[Il] inclut le dimanche, jour de repos commun à tous les États membres et, à ce titre, expression de leur identité et
partie de l'héritage culturel commun ".
Cet amendement est évidemment dirigé contre d'autres religions préconisant le vendredi ou le samedi comme jour de repos.

(9) La COMECE propose un "droit à une protection sociale et à la satisfaction des besoins matériels élémentaires".
Ce droit implique que "les femmes enceintes dépourvues des moyens d'existence nécessaires à leur situation personnelle ou familiale doivent pouvoir bénéficier de prestations et de ressources leur permettant d'assumer leur état". Il importe de remarquer que simultanément le Saint-Siège
est favorable à la réduction des congés maternité actuellement discutés au Bureau international du travail (BIT). Dans cette optique, les femmes enceintes doivent être totalement assistées, mais les mères doivent être découragées de retravailler.

Reproduction autorisée sous réserve de mention de la source : "Réseau Voltaire"

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