Mouvement "Europe & Laïcité"

  

L'état de la laïcité: 
2. France

(Alsace et Moselle)

 (4ième partie du document: pour la première partie
     
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L'état de la laïcité: 1. Europe occidentale.
L'état de la laïcité: 3. Europe Centrale et Orientale
L'état de la laïcité: 4. Pays hors de l'Europe

Le point sur le statut juridique particulier de l'Alsace et de la Moselle

Pour l'abrogation du statut scolaire (et du Concordat) en Alsace-Moselle.

 Février 2000

 On distinguera trois aspects du particularisme juridique Alsacien-Mosellan, qui résulte de la domination allemande de 1871 à 1918.

 Le Droit Local, implique des dispositions particulières en matière de justice, de successions, de Sécurité Sociale (le régime y est plus favorable qu'ailleurs). Ces particularités juridiques contreviennent au principe d'unicité des lois de la République mais n'ont pas de rapport avec la Séparation de l'Etat et des religions ni avec la liberté de conscience.
Nous les laisserons de côté dans la suite.

 Le Statut des Cultes reconnus est hérité du Concordat de 1801. Il n'a pas été abrogé en 1905 dans les trois départements concernés car ceux-ci étaient alors sous domination allemande.
Quatre religions sont reconnues: catholique, israëlite et deux cultes protestants. Les autres sont bien sûr autorisées.
Les curés, évêques, rabins et pasteurs sont payés sur le budget général de l'Etat (environ 200 MF en 1994).
Malgré des tentatives en 1924 et 1925, ce statut particulier n'a pas été abrogé. Aucun gouvernement n'a envisagé de le faire depuis.

 La non-application de la loi de 1905 autorise l'Université de Strasbourg à proposer des enseignements de théologie catholique et protestante. Il avait été question en 1997 d'y ajouter un DEUG de théologie musulmane, mais le projet semble abandonné.

Une proposition: En ce qui concerne les salaires des prêtres, pasteurs et rabbins, payés sur le budget général de l'Etat, on pourrait envisager dans un premier temps, le transfert de ces dépenses sur les budgets des départements et des régions concernés (sans bien sûr que l'Etat ne dote spécifiquement ces départements et régions; la supression du budget des cultes à la charge de l'Etat pourrait être étalée sur 5 ans).
Ce transfert ne manquerait pas d'accélérer les réflexions en vue d'une abrogation du Concordat et une instauration en Alsace-Moselle de la Loi de 1905.

 Le Statut Scolaire Local s'appuie sur la Loi Falloux de 1850 qui institue des enseignements obligatoires de religion dans les écoles publiques, et donne aux représentants des religions un droit de contrôle sur les programmes scolaires et la nommination des instituteurs.
Cette loi a été complétée par diverses ordonnances prises par les allemands de 1871 à 1908.
Certaines d'entre elles ont été abrogées, d'autres ne sont plus appliquées.
L'ensemble est un fouillis juridique dont l'opacité est délibérément maintenue, que d'aucuns considèrent comme "un élément du patrimoine". (Le recours à l'étiquette "patrimoine" est commode pour protéger une réglementation ou une pratique désuète. Un Institut du Droit Local d'Alsace-Moselle, installé à Strasbourg, défend cette conception conservatrice. Il refuse de renseigner les syndicats qui demandent des précisions juridiques, il entretient l'opacité et participe à l'offensive cléricale bien qu'il soit entretenu sur fonds publics.)

 Actuellement, les programmes des écoles primaires publiques comportent 1 heure par semaine d'enseignement religieux. Des dispenses peuvent être demandées, mais l'enseignement religieux est la règle. Voir l'annexe 1 sur la suspension d'allocations familiales pour absence au cours de religion.
Ces cours sont de moins en moins suivis, en particulier dans l'enseignement secondaire. Les statistiques pour l'enseignement primaire sont inexistantes. Au collège, la participation est d'environ 50%, au lycée de 10%. En Moselle, seuls 18 instituteurs et professeurs d'écoles (0,3 %) enseignent la religion. Ces chiffres montrent la désuétude du système.
En Moselle, l'enseignement religieux catholique est obligatoire, en principe, pour tous les élèves.
Il avait été envisagé de créer un CAPES d'enseignement des religions, dans un premier temps pour l'Alsace-Moselle mais avec un risque d'extension, compte tenu du lobbying en faveur d'un enseignement spécifique des religions. (Un tel enseignement devrait protéger les esprits des sectes et conduire à une perception positive de l'Islam. Cet argumentaire est régulièrement repris par H. Tincq dans Le Monde et par tous les défenseurs de la "laïcité ouverte".)
Ce qui n'a pas été fait au grand jour est fait par des voies détournées: voir l'annexe 2 sur la publication de postes d'enseignement religieux au CAPES "réservé".

 La confusion est soigneusement entretenue dans l'opinion publique entre les trois volets présentés ci-dessus. On fait croire aux gens que la suppression des cours de religion dans les écoles entraînerait une diminution de la couverture par la Sécurité Sociale. De plus les textes ne sont pas accessibles. La défense des "Langues et cultures régionales", est un autre prétexte pour maintenir le statut scolaire local, qui relève d'une manipulation de la notion de patrimoine culturel.

 Une proposition: Une déclaration commune du 28.5.1997 des sections de Moselle de la Ligue des Droits de l'Homme, de la Fédération des Conseils de Parents d'Elèves, et de la Ligue de l'Enseignement (publiée dans "Les Idées en Mouvement", supplément sur la Laïcité au numéro 58 d'avril 1998) demande la suppression du statut scolaire local au titre du respect de la liberté de conscience et de l'égalité des droits, en insistant sur le fait que:
"la modification ou l'abrogation du statut scolaire (qui n'est pas juridiquement lié au Concordat) laisserait intactes les dispositions positives du statut local (Sécurité Sociale, droit associatif, franchises communales, droit notarial, etc...) [lesquelles ne sont pas liées non plus au Concordat, note de B. Courcelle]."

 Dans ses motivations, cette déclaration indique:
"Les organisations soussignées jugent d'autant plus déplorables et condamnables les initiatives discrètes mais tenaces pour tenter de consolider ce statut, voire de l'étendre:
projet de CAPES de religion,
projet d'extension des filières de théologie dans les universités publiques de Strabourg et de Metz,
revendication d'un enseignement religieux imposé dans les programmes officiels à tous les élèves."

Documents utilisés:

Le statut très particulier d'Alsace-Moselle, dans La Raison, no 392, juin 1994, pp. 14-18.

 Deux articles dans: Laïcité: fait et à faire, Les Idées en Mouvement, supplément au no 58, avril 1998.

 Un dossier étoffé sur le site de l'Union Rationaliste de Nantes.

 Le statut scolaire en Alsace-Moselle, une exception cléricale dans la République, L'Ecole Emancipée, no 9, Mars 1999.

 Offensive cléricale en Alsace Moselle: les promoteurs de l'enseignement religieux à l'école publique, qui sont-ils, que veulent-ils?, L'Ecole Emancipée, mai 1999. Voir Annexe 3.
Ces deux derniers articles sont disponibles sur le serveur Internet: http://altern.org/ee .
 

Première partie du présent document: L'état de la laïcité en France.

Sommaire du site Europe & Laïcité.


Annexe 1: Une mère de famille de Moselle privée par "erreur" d'allocations familiales après l'absence de sa fille au cours de religion

 Nancy, 10.2.2000 (AP) -- Le rectorat de l'Académie de Metz-Nancy a assuré jeudi qu'une erreur administrative était à l'origine de la suspension des allocations d'une mère de famille dont la fille, élève du collège public Paul Langevin d'Hagondange en Moselle, n'assistait pas aux cours d'instruction religieuse catholique.

A la suite d'un communiqué diffusé jeudi par le Syndicat national des Enseignants du second degré (SNES-Fsu) qui dénonçait une "nouvelle atteinte à la laïcité", le Rectorat a expliqué que la mère de l'élève avait effectivement demandé une dispense d'enseignement religieux, mais que le dossier n'avait pas été transmis. C'est ainsi par erreur que l'élève a été déclarée absente des cours et que le versement des allocations familiales a été suspendu à la demande de l'inspecteur d'académie de la Moselle. Mais selon le Rectorat, l'affaire est en cours de réglement.

Pour le SNES, cette "hallucinante affaire" révélait "la vraie nature" du statut scolaire local d'Alsace et de Moselle dont il a dénoncé "l'archaïsme". Le statut scolaire local, hérité des lois allemandes d'avril 1871, laisse place à des cours de religion dans les établisements publics. Les cultes reconnus, catholique, luthérien, réformé et israélite, y sont enseignés mais les familles peuvent obtenir des dispenses qui sont toujours accordées. Dans le primaire, ces heures de religion sont assurées par les professeurs s'ils le souhaitent, sinon par des vacataires. Dans le secondaire, ces cours sont assurés par des enseignants spécialisés dont les statuts sont la plupart du temps précaires. Pour la seule Alsace, ils sont un peu moins de 400.

C'est pour résorber cet auxiliariat qu'un "CAPES réservé" a été ouvert aux maîtres auxiliaires titulaires d'une licence ayant assuré quatre ans d'enseignement à temps plein dans les huit dernières années. Ce CAPES concerne en Alsace 18 personnes, c'est-à-dire 15 catholiques et trois protestants. Ainsi, le CAPES, qui s'est déroulé il y a quelques jours sur le territoire national, assurera un classement indiciaire et nomination de professeurs certifiés à ceux qui l'auront obtenu.

Pour le SNES, ce CAPES réservé de religion "qui ne peut que conforter les forces anti-laïques dans les départements concernés".
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Déclaration du SNES: "Cette hallucinante histoire révèle la vraie nature du statut scolaire local d'Alsace-Moselle où, en vertu de lois allemandes de 1871, jamais traduites ni publiées, on impose à tous les élèves des établissements publics un enseignement obligatoire de religion", déclare le SNES, qui avait déja protesté récemment contre la mise au concours "réservé" (aux maîtres auxiliaires) de plusieurs postes d'enseignement religieux. "Il s'agit purement et simplement d'une violation de la liberté de conscience, directement contraire à la convention européenne des droits de l'homme et au principe constitutionnel de laïcité", ajoute le syndicat, qui "exige l'abrogation du statut scolaire local et, au moins dans un premier temps, que l'enseignement religieux devienne facultatif".

 Annexe 2: Des professeurs "certifiés" (sic, par qui?) d'enseignement religieux?

 Le BOEN du 2.9.99 a publié dans la rubrique CAPES-Concours "réservé" pour l'année 2000,
pour l'enseignement public sous l'intitulé "sections diverses" l'ouverture de postes "enseignement religieux catholique, et enseignement religieux protestant".
Cela ne concerne que l'Alsace-Moselle et les inscriptions sont closes depuis le 20.10.99 (bravo la transparence!). Mais le nombre de postes n'a pas été publié! [Depuis nous avons appris les chiffres: 35 +18].

 Ces "concours réservés", tout à fait "bidons", consistent en un rapport écrit fait "à la maison", un oral de 3/4 h. et un oral d'1/2 h., procédure définie par Allègre en 97. Ils concernent toutes les matières, sont destinés à intégrer des vacataires. Mais dans les "sections diverses" la religion occupe 43 postes sur un total de 53. L'oral ouvre la porte à l'arbitraire le plus total. C'est un scandale de recruter de cette façon des fonctionnaires.

 Cette publication sous la rubrique "enseignement religieux" est la première. C'est probablement un "ballon d'essai" avant des publications l'an prochain au titre des "concours externes". Il est donc essentiel de réagir.

Annexe 3: L'offensive cléricale en Alsace Moselle.

 Sur le serveur de l'Ecole Emancipée cité ci-dessus, on peut trouver un dossier très riche sur le statut scolaire de l'Alsace-Moselle et l'offensive cléricale (soutenue par le CNRS, le recteur, le ministère qui propose des recrutements de professeurs de religion, etc...) visant à le pérenniser. On y trouve cette citation du directeur du "Conseil Scientifique" de l'Institut du Droit Local:

 "L'un des traits marquants de cette laïcité alsacienne est que la religion a sa place à l'école"
extraite des actes d'un "symposium" (en grec ancien un "symposium" est un banquet): L'enseignement religieux à l'école publique, publié par les éditions Oberlin à Strasbourg. Bien que soutenu par le CNRS il s'agit de propagande cléricale et non d'analyse objective.